Je reçois l’auteure aujourd’hui, pour parcourir ensemble, son dernier ouvrage d’essai intitulé : Opération Mar Verde ; paru aux Éditions L’Harmattan en 2014 et 2021 pour la nouvelle version...
« J’ai appris que le courage n’est pas l’absence de peur, mais la capacité de la vaincre. » (Nelson Mandela)
Bilguissa Diallo est une journaliste et auteure, qui compte à son actif 3 ouvrages.
Son premier roman paru en 2005 s’intitule : Diasporama, un roman sur le choc culturel par le prisme de 3 jeunes filles originaires de la Guinée.
En 2007,
Son deuxième livre va à l’endroit de la jeunesse et s’intitule, Ndeye, Oury et Jean-Pierre vivent au Sénégal.
L'auteure a accepté notre invitation pour parcourir ensemble son dernier livre.
Un livre que je qualifierai sciemment d’utilité publique. En effet, dans ce livre l’auteure y raconte avec preuves à l’appui, le déroulé et les raisons de l’attaque portugaise du 22 novembre 1970 en Guinée Conakry.
Un coup d’État, organisé à l’extérieur du pays par un groupe d’hommes prêts à tous les sacrifices pour libérer la guinée de la dictature Sékou Touréenne ; parmi ces hommes se trouve le propre père de l’auteure : le commandant Thierno Diallo.
Dans l’histoire du pays, cette attaque est considérée comme étant l’élément déclencheur de l’hystérie du président Sékou Touré et, qui justifierait ainsi, le massacre des milliers de Guinéens sans qu’il ne soit inquiété par aucune juridiction internationale. C’est un ouvrage très consistante qu’elle propose à ses lecteurs.
Son ouvrage débute ainsi,
« Jeudi 2 février 2012. Aujourd'hui, en ce jour frais d'hiver 2012, je choisis d'entamer ce que j'estime être ma modeste contribution au devoir de mémoire et à l'édification d’une histoire véridique de la Guinée moderne. »
Avec l’utilisation du pronom personnel le «JE », on a l’impression qu’elle est décidée à prendre ou, à se dédouaner de certaines responsabilités face à cette histoire.
C'est un ouvrage riche en textes, en témoignages, et en photos d’archives, je dirais même que c’est un livre doux-amer que l'auteure offre nous livre ici.
L'entretien avec Bilguissa Diallo, c'est aussi l'occasion de revenir sur non seulement sur cette date cruciale qu'est-ce le 22 novembre 1970 avec l'agression portugaise, mais aussi, c'est l'opportunité de revenir sur l'histoire guinéenne avec l'arrivée de Sékou Touré au pouvoir. Ce qui a permis d'en déduire que Sékou Touré qu’on l’aime ou qu’on le déteste ; avec un tel parcours, force est de constater qu’il était bel et bien destiné à devenir un puissant leader ou à défaut, un président. Mais ce qui impressionne chez Sékou Touré c'est bien évidemment son charisme et son éloquence comme avec cette célèbre phrase : « Nous préférons la liberté dans la pauvreté à la richesse dans l'esclavage ».
J’ai posé la question de savoir si, en 2022, cette phrase avait encore une résonance surtout quand on voit tous ces jeunes guinéens qui fuient leur pays au prix de leur vie ; je pense notamment à Yaguine et Fodé deux jeunes adolescents retrouvés sans vie en 1999 dans le train d’atterrissage d’un avion. Morts, tout simplement pour avoir rêvé d’une vie meilleure.
En 1958 Sékou Touré prend les rênes de la guinée, on va dire de la façon la plus souveraine possible face à un Général de Gaulle décontenancé. La question c'était de savoir si cela relevait de la manipulation ou tout naturellement de l'anticipation dans la mesure où, avant l’arrivée de la délégation française, Sékou Touré avait pris soin de préparer les Guinéens en allant jusqu’à jouer sur leur mental à coup de propagandes, de meetings...Le tout servi dans un élan folklorique et joyeux... l'auteure y apporte une réponse que je trouve très intéressante.
Ce qu'il faut retenir c'est que, par cette action, les Guinéens votent massivement pour le OUI de l’indépendance. C’est ainsi que le pays accède à sa liberté.
Sur l’indépendance de la Guinée : Voici les mots de l’écrivain Djibril Tamsir Niane :
« Cette décision nous galvanisait le cœur ; l’exaltation était à son comble. Nous tenions enfin une terre libre, nous étions là, Soudanais, Voltaïques, Nigériens, Dahoméens, Ivoiriens...toute l’Afrique s’était donnée rendez-vous à Conakry. C’était beau à voir ! »
De loin, Sékou Touré était le nouvel homme fort de la guinée, voire même de l’Afrique à ce moment-là̀ de l’histoire, Sékou Touré était un président Grandiloquent à tous égards.
Pour revenir au livre de Bilguissa Diallo, pensant que la date du 22 novembre 1970 signait pour les Guinéens le basculement dur et pur de la gouvernance de Sékou Touré vers une dictature sanglante et terrifiante ; on apprend que, « Dès ses premières heures, le régime (...) est émaillé de complots dont la réalité est discutable, mais dont l'issue tourne toujours en faveur du leader : les comploteurs présumés sont démasqués, avouent et sont condamnés à la prison ou à la mort. ».
Les années 70 sous Sékou furent les années les plus terribles pour la guinée, car c'est dans cette période qu'il se transforme en un véritable dictateur. Et comme tout bon dictateur, il tue et fait assassiner tous ses opposants, y compris des familles entières. Enfin, tous ceux qui sont susceptibles de le freiner dans sa folie meurtrière.
C’est dans ce contexte qu’à l’étranger c'est à dire, certains pays voisins et en France, plus précisément que s’organise LA riposte. En têtes de gondole se trouve donc, le propre père de l'auteure, le commandant Thierno Diallo.
« J'ai choisi de me pencher sur l'opération Mar Verde, le nom de code donné à ce qui est connu internationalement comme l'agression portugaise contre la Guinée, soit la tentative de coup d'État avortée du 22 novembre 1970. »
Dans cet entretien, Bilguissa revient sur la signification de ce code Mar Verde et sur cette tentative de coup d’État préparée à l’extérieur du pays par un groupe d’hommes motivés et prêts à tout, pour libérer les Guinéens des griefs de Sékou Touré.
L'auteure nous apprend sur les différents rôles joués par les différents protagonistes de cette opération Mar Verde dont celui d’un certain David Soumah qui est apparemment le cerveau de cette opération délicate intitulée : « Opération Mar Verde » préparée dans le secret, en s’alliant pour cela avec l'état portugais.
Soyons d’accord, il n’y avait pas que le Portugal qui désirait la chute du régime en guinée à ce moment-là̀ de l’histoire. Il faut noter que Sékou Touré avait tout de même réussi à se mettre à dos d’autres pays limitrophes qui n’avaient d’un seul objectif le voir tomber...
Vous apprendrez dans le livre et dans cette interview que la relation entre la Côte-d’Ivoire de Houphouët-Boigny et, la Guinée de Sékou Touré était sous de mauvais augures. Y compris le Sénégal de Léopold Sédar Senghor d’ailleurs qui n'ont pas hésité à faciliter et à aider les assaillants dans leur projet d’attaque.
Honnêtement, de par sa complexité, on se rend vite compte qu’une telle opération allait rencontrer de sérieuses difficultés, avec des défections, des trahisons de tous genres, des malversations financières et des désaccords au sein même du groupe sans compter qu’en réalité Sékou Touré était déjà au courant que la Guinée va être attaquée par des mercenaires.
Comment réussir à organiser une telle opération sachant que les soldats étaient dispersés dans différents pays ; des hommes à qui il manquait une véritable formation militaire, et de surcroit, des hommes peu armés composés uniquement de sous-officiers et de caporaux-chefs ?
« Dimanche 22 novembre 1970, deux heures du matin au large des côtes de Conakry en République de Guinée, six bateaux accostent. À leur bord, quelques centaines d’hommes armés en treillis, ils partent à l’assaut de la capitale guinéenne. »
L'auteure relève plusieurs éléments qui ont fait que l’opération Mar Verde ait été un fiasco. Elle décrit avec minutie la cacophonie qui a régné sur le terrain cette nuit-là, notamment le manque de coordination entre les assaillants, mais pas que ; l’objectif principal de cette opération qui était d’éliminer le président Sékou Touré ne fut pas atteint cette nuit-là.
L'auteure dans l'entretien accordé à Cinékry-prod revient sur le nombre de morts du côté des assaillants et également du côté de la guinée.
Après cette attaque, les institutions internationales condamnent à l’unanimité le coup d'État contre la guinée et tiennent pour responsable le Portugal. Néanmoins, ce dernier ne versera pas un centime en guise de dédommagements à la Guinée.
Dans tous les cas, par ce coup d’État raté, Sékou Touré va en profiter pour décimer tous ceux, qui iront à l’encontre de LA fameuse révolution. Car, après cette attaque portugaise, Les Guinéens vont vivre LA terreur et certains vont payer le prix fort de cette attaque avortée. Puisque, cette tentative de renversement va déclencher une terrible fureur, une hystérie quasi démentielle chez Sékou Touré. Qui trouve là, une bonne opportunité, pour rafler et emprisonner tous ceux suspectés d’appartenir à la cinquième colonne guinéenne.
« Les jeunes guinéens d’aujourd’hui ne connaissent rien de l’histoire de leur pays. Pour eux, la vie s’est arrêtée au slogan Sékou Touré, le père de l’indépendance... » (Nadine Bari)
Le livre met également en exergue les contradictions du gouvernement de Sékou Touré, notamment dans sa lutte contre l’impérialisme ; alors que, c’est chez l’impérialiste qu’il se rendra pour se soigner et à l’occurrence pour y mourir puisqu’il meurt aux États-Unis le 26 mars 1984.
Pour conclure, voici les mots de l'auteure, c'est un extrait provenant du livre :
« J’espère que les héritiers de cette triste épopée sauront avoir un peu d'indulgence envers certains de ces idéalistes qui furent prêts au sacrifice suprême pour le bien collectif et qui ont, pour la majorité d'entre eux, payé très cher leur audace. »
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